Cadre Historique - critique, Théorique et méthodologique sur le caractère de durabilité des quartiers en Europe.

a - Durabilité environnementale et urbanistique

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« L’éco-cité » de Dongtang – Chine
Pour définir les éléments qui caractérisent un quartier durable, nous retiendrons qu’il est indispensable de s’appuyer sur les concepts de durabilité environnementale et de durabilité urbanistique, en passant outre le concept de développement durable, notion dont on fait un usage abusif et qui est désormais privée de toute efficacité théorique ou opérationnelle, pour en déduire le concept bien plus signifiant de cité durable. 

Selon la littérature écologiste, et d’après les principes du Traité Européen, la durabilité environnementale sous-entend une consommation des ressources et une production de déchets compatibles avec les cycles biochimiques et géochimiques ; quant au concept de cité durable, il promeut les démarches d’élimination des déséquilibres qui portent atteinte à la sauvegarde de la nature et au bien-être des habitants, dans les agglomérations urbaines et les territoires environnants, par la réduction de la pollution et l’exploitation inappropriée des ressources renouvelables ou non.

Sur la base de ces principes généraux, la durabilité urbanistique représente pour nous la culture d’un rapport nouveau entre l’environnement naturel et l’environnement artificiel, particulièrement dans l’ensemble des fonctions intégrées qui répondent aux besoins matériels, culturels et sociaux des habitants, mais également dans le rôle des institutions qui les représentent, tant au plan local qu’aux niveaux régional et national.

La durabilité dans l'antiquité et dans la tradition

 

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Une tour à vent dans la ville iranienne de Yazd et
schéma de fonctionnement nocturne et diurne

Dans l’antiquité, la durabilité est étroitement liée aux modes de construction des villes et d’édification des bâtiments. Dans le traité de Vitruve, on voit que des critères de durabilité sont adoptés dans le choix des lieux d’implantation, dans l’orientation des tracés delacité et de ses édifices, avec la prise en compte du cycle solaire, des vents dominants, des conditions de salubrité du sol et du sous-sol, de l’accès aux ressources naturelles comme l’eau et les matières premières.

Dans les us et traditions populaires, la durabilité se manifeste à travers les options prises empiriquement par les différentes cultures locales sur les façons d’utiliser les conditions et les ressources naturelles disponibles.

Que ce soit dans l’architecture savante ou populaire, la durabilité dépend des conditions objectives de l’environnement (données morphologiques, climatiques, géologiques, etc...), mais également de l’activité qui est développée dans telle période donnée et des technologies disponibles dans telle situation historique précise (voir la fiche « durabilité dans l’antiquité »). Par exemple les tours à vent (Bagdir, en persan), très fréquentes dans la construction traditionnelle, fonctionnaient comme des hautes écoutilles orientées pour recevoir les vents frais.

Ainsi qu’on peut le déduire de l’exemple de la tour à vent de Yazd (figure 2), les aspects fonctionnels sont parfaitement intégrés dans la culture architectonique islamique : ce qui signifie qu’à chaque culture correspond une façon propre d’utiliser l’environnement et les ressources qu’il offre. Cette conception de l’architecture s’est exprimée dans les différentes époques, avec des réponses variées d’un endroit à l’autre.

 

La durabilité dans la modernité

 

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Turin, Gratte-ciel San Paolo IMI - R. Piano
Schéma de fonctionnement de la tour à vent
Dans la façon contemporaine de construire, aussi bien des bâtiments isolés que des complexes urbanistiques, on perçoit souvent en arrière-plan la culture de la durabilité acquise dans l’antiquité et issue de la tradition.

On n’a pas encore réussi à arrêter des principes clairs d’intégration entre les nouvelles technologies d’exploitation des ressources renouvelables et les processus de construction de lacité contemporaine, qu’il s’agisse d’un bâtiment isolé, d’un quartier ou d’une zone entière de ville. On peut le vérifier dans l’évolution rapide de la façon « durable » de construire, le cas par excellence où l’on utilise autant l’expérience du passé que les innovations du présent (voir les fiches « durabilité dans la modernité »). Un exemple positif du bâtiment contemporain durable peut être représenté par la tour gratte-ciel de Renzo Piano, construite pour la banque San Paolo IMI à Turin (figure 3), qui réutilise des techniques traditionnelles comme celle de la tour à vent et innove en même temps par la mise en œuvre de matériaux et de ressources renouvelables (panneaux solaires photovoltaïques).

Les exemples modernes de nouveaux ensembles architectoniques qui intégreraient pleinement les techniques de la construction traditionnelle aux innovations technologiques sont encore en phase expérimentale. C’est pourquoi on ne peut encore les considérer comme des modèles écologiques et urbanistiques généralisables. Dans les meilleurs des cas, comme ce qui se réalise dans l’Europe du nord, on privilégie la plupart du temps les technologies écologiques, en laissant au second plan la question de l’intégration dans la culture historique de la ville. Même dans le développement frénétique actuel des villes chinoises, les quartiers durables sont très rares et encore bien éloignés d’une véritable intégration entre durabilité historique et durabilité moderne. Le projet de la ville nouvelle de Dongtang (figure 1) le démontre. C’est sans nul doute une proposition positive, mais non encore tout à fait convaincante du point de vue de l’intégration entre l’ancien et le moderne, entre la ville nouvelle et la ville existante. Les nouveaux gratte-ciels qu’on est en train de construire à Dubaï, en Arabie Saoudite, constituent l’exemple le plus éclatant de l’enflure architecturale, de la technologie la plus hasardeuse et de la gesticulation empirique dans la communication architecturale, toutes choses seulement rendues possibles par la mobilisation d’énormes moyens économiques, mais qui cependant n’illustrent pas une idée culturellement nouvelle de la cité écologique.