Identification du modèle de quartier méditérranéen durable

Souligner les enjeux pour les collectivités des régions méditerranéennes d'intégrer ces spécificités

Les spécificités des villes méditerranéennes mettent en évidence que les typologies historiques des manières d’habiter, de travailler et de se déplacer doivent être repensées dans le projet de nouveaux quartiers durables, en conservant cependant la matrice ethnologique et la tradition d’implantation de la concentration par pôles (des bourgades aux grandes villes). Sans oublier que la dispersion sur le territoire, phénomène récent qui a altéré le paysage et appauvri les rapports sociaux, ne représente pas seulement une charge onéreuse en termes de consommation de territoire, mais aussi la destruction du sentiment communautaire dans les implantations que la civilisation méditerranéenne a laissées en héritage.

Les caractéristiques urbanistiques déduites de l’étude réalisée sur de nombreux cas d’implantations historiques autour de la Méditerranée sont visibles sur le territoire, non de manière isolée et indépendante entre elles, dans une variété d’interrelations entre les différentes composantes culturelles, socio-économiques, technologiques et spatiales. Voilà la raison pour laquelle nous proposons de mettre en comparaison les nouveaux principes du quartier durable avec les anciennes modalités d’implantation.

 

DIVERSITÉ CULTURELLE DES HABITANTS ET PARTICIPATION

Le quartier durable est destiné à une collectivité d’origine culturelle variée et très différenciée. Sur l’origine des habitants, on relèvera que les ressortissants de la rive nord de la Méditerranée ont connu, ne serait-ce que de façon épisodique, la tradition de la participation à la construction du pouvoir, et donc de la cité, alors que sur la rive sud, les gens n’ont quasiment jamais eu l’occasion d’exercer la démocratie participative. Cette spécificité à propos de l’origine des habitants doit être attentivement prise en considération au moment de définir les modalités de leur participation aux choix dans la gestion du projet, à commencer par ceux qui concernent les typologies d’implantation.

 

TYPOLOGIE D’IMPLANTATION MÉDITERRANÉENNE RÉNOVÉE

La nouvelle typologie d’implantation devrait contenir des éléments spatiaux qui expriment la diversité culturelle et l’origine ethnologique des habitants de souche et culture méditerranéenne.

La méthode écologique qui prévaut pour la construction d’un quartier à caractéristiques méditerranéennes, nous ne l’identifions pas en ce qu’elle copies les formes des typologies urbaines historiques, opération qui peut même prendre l’aspect d’une idéologie conservatrice, mais en ce qu’elle est capable de réélaborer les typologies historiques couronnées de succès en termes de conditions de vie, eu égard en particulier aux conditions climatiques.

Il est important de reprendre le concept de zone filtre entre l’intérieur et l’extérieur créée par la conception d’espaces semi-ouverts, expression de « l’architecture de l’ombre » typiquement méditerranéenne apte à permettre des microclimats qui atténuent les amplitudes thermiques et les violents contrastes de lumière.

Schéma structurel d’implantation « Hippodaméenne », Milet

On en trouve un exemple significatif dans ces typologies historiques qui se sont agrégées autour d’une cour, avec vue sur l’extérieur, ou d’autres, linéaires, qui permettent une double ouverture sur la rue, dans un rapport toujours changeant entre les parties closes construites et les parties végétales ouvertes. Cette articulation architectonique et urbanistique offre concrètement aux habitants des espaces à vivre, soit à l’intérieur des murs, avec des cours, des portiques, des terrasses, des balcons, des escaliers extérieurs, des pergolas, des jardins suspendus, soit à l’extérieur, en relation spatiale directe avec les zones destinées aux places publiques, aux jardins de promenade et aux bâtiments verts collectifs.

Dans le modèle de construction d’un quartier durable, ce modèle d’habitat devrait correspondre à un modèle urbanistique compact inspiré des typologies historiques en damier, en faisceau, à noyau, des cités médiévales, ou ramifiées, avec des galeries et des espaces « cul-de-sac », comme dans les cités islamiques. De tels modèles devraient reproduire de façon diversifiée le développement du même élément architectonique de base qui se répète, en se composant et se recomposant, avec une continuité spatiale, dimensionnelle et sociale, de façon à renouveler vraiment le mode d’habitat de demain, avec le recours des techniques de construction passive et des nouvelles technologies appropriées.

 

 Schémas topologiques des trois typologies d'habitation : dans la maisonà la structure multiple, le bâtiment explose en blocs séparés en les représentant comme un agrégat de plusieurs bâtiments chacun destiné à une activité spécifique. Les bâtiments différents peuvent être à plusieurs niveaux.
Schémas topologiques des trois typologies d'habitation :
dans la maisonà la structure multiple, le bâtiment explose
en blocs séparés en les représentant comme un agrégat de
plusieurs bâtiments chacun destiné à une activité spécifique.
Les bâtiments différents peuvent être à plusieurs niveaux.

 Les solutions d'organisation et le développement des espaces de l'habitation sont nombreux [...] Schémas topologiques des trois solutions de distribution et développement des espaces : - développement à partir d'un noyau central - développement duplicatif de type linéaire selon la longueur du complexe - développement duplicatif de type linéaire selon la perpendiculaire du complexe
Les solutions d'organisation et le développement des espaces de
l'habitation sont nombreux [...]
Schémas topologiques des
trois solutions de distribution et développement des espaces :
- développement à partir d'un noyau central
- développement duplicatif de type linéaire
selon la longueur du complexe
- développement duplicatif de type linéaire
selon la perpendiculaire du complexe

Images extraites :
Alessandra Scarano, identità e differenze nell'archittettura del Mediterraneo, Gangemi Editore 2006
Invarianti, similitudini e diffrenze nelle archittetture e negli insediamentoi minori

 

ESPACES DE SOCIALISATION ET PLURIFONCTIONNALITÉ

Les rapports de socialisation, ainsi qu’on peut les déduire de l’expérience historique des villes construites sur les deux rives de la Méditerranée, ont besoin, pour s’établir, d’un espace public ouvert en corrélation étroite avec l’espace privé, avec des zones filtres intérieur/extérieur entre les bâtiment d’habitation et les fonctions publiques. Cette disposition est apte à construire des réseaux de communication entre les groupes des communautés locales et les pôle de concentration et de services publics de l’entité urbaine et métropolitaine.

 

CULTURE DE LA MÉMOIRE ET PATRIMOINE D’IMPLANTATION

Le quartier durable, si le projet en est fondé sur les critères et innovants indiqués ci-dessus, doit valoriser surtout la préexistence environnementale et architectonique expressive du patrimoine d’implantation urbaine, agraire et paysagère caractéristique de la culture de la Méditerranée, avec une attention particulière portée à la part populaire de celle-ci, là où la mémoire historique s’est transmise avec la meilleure continuité.

  

ACCESSIBILITÉ, MOBILITÉ DURABLE ET ENVIRONNEMENT URBAIN

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Assurer aux habitants du quartier une accessibilité et une mobilité durable qui permettent de récupérer le réseau piétonnier constitué de places, rues, jardins autour desquels gravitent les activités économiques, culturelles et commerciales typiques des villes et des bourgs méditerranéens. Obtenir cela dans les aires d’urbanisation modernes exige une usage généralisé de réseaux de transports publics écologiques et des nœuds d’interconnexion entre système de quartier et système urbain ou métropolitain.

 

 

 

 

 

   

ÉNERGIE ET SOLEIL MÉDITERRANÉEN

Les zones méditerranéennes sont privilégiées par la forte intensité et la durée importante d’ensoleillement : une richesse qui devrait être facilement et intensivement employée pour la production d’énergie.

 

ESTHÉTIQUE DE L’ARCHITECTURE MÉDITERRANÉENNE ET IMPACT ENVIRONNEMENTAL : MATÉRIAUX ET TECHNIQUES DE CONSTRUCTION DURABLES 

Enterrassements dans la Vallée du Gromolo Sestri Levante, photo de G. Spalla
Enterrassements dans la Vallée du Gromolo Sestri Levante,
photo de G. Spalla

Dans l’élaboration des plans et projets pour les quartiers écologiques, à soumettre préventivement à l’Évaluation Environnementale Stratégique (EES), ainsi que le prescrit la réglementation européenne, on devrait porter une attention particulière au choix des matériaux et des techniques de construction ayant le plus faible impact environnemental sur la biodiversité et sur le paysage. Il faut ainsi réutiliser les ressources territoriales qui se trouvent sur les lieux de l’intervention, de façon à ne pas créer de discontinuité excessive entre implantations et paysages historiques et nouvelles implantations. La durabilité tient aussi dans le fait de savoir traduire la qualité esthétique des matériaux anciens, des manières de construire locales dans une qualité esthétique d’un nouveau genre dérivé de la réutilisation durable des nouvelles technologies qui gardent la mémoire des anciennes. Les techniques et les matériaux historiques auxquels nous faisons référence appartiennent à la tradition paysanne, qui a su utiliser avec sagesse les ressource locales et les matériaux modestes pour construire les paysages de terrasses en pierres sèches, le réseau de villes et de villages construits le long de la côte ou dans l’arrière-pays, avec leurs murs porteurs de pierre, de bois et de chaux et des couleurs adaptées à la luminosité intense de l’environnement méditerranéen. Le nouveau est vraiment nouveau quand on utilise l’ancien avec sagesse.

 

Vue d’ensemble, plan et planivolumétrie de la structure urbanistique et de construction du centre de Poilarocca
Vue d’ensemble, plan et planivolumétrie de la structure urbanistique
et de construction du centre de Poilarocca
Implantation agricole saisonnière de Mendatica
Implantation agricole saisonnière de Mendatica

 

Images extraites de :
Giovanni Spalla, L’architettura popolare in Liguria (L’architecture populaire en Ligurie), Editori Laterza, Bari, 1985

Extrait du livre « Les langages des cultures du territoire pour une Europe étendue aux deux rives de la Méditerranée », Allemandi editor, 2008 sous la direction de Giovanni Spalla, groupe de travail : Alice Devoto, Ileana Romiti, Roberta Velini