Cadre Historique - critique, Théorique et méthodologique sur le caractère de durabilité des quartiers en Europe.

Durabilité dans l'antiquité et dans la tradition

Extraits de :
Progetto ed Energia (Projet et Énergie), Vincenzo Bacigalupi, Cristina Benedetti, Ed.Kappa Invariants, similitudes et différences dans les architectures et les ouvrages mineurs.

 

Le passé et la tradition

« [...] Le processus de modification de l’environnement naturel et d’adaptation de la construction aux caractéristiques de l’environnement naturel même a indubitablement influencé aussi les choix formels que l’homme a fait pour construire et organiser son propre habitat [...]. On peut affirmer que les rapports de l’homme avec l’environnement ont été régis au fil du temps par les principaux facteurs suivants : 

  • éléments objectifs de l’environnement : morphologiques, biologiques, climatologiques.
  • exigences subjectives de l’homme à développer ses activités propres.
  • moyens techniques à sa disposition.

La lecture de l’environnement redessiné par l’histoire confirme la présence et l’influence permanente de ces facteurs, malgré les oscillations inévitables qui en ont modifié les résultats au cours du temps, bien que les éléments originels soient invariablement les mêmes. En fait, dans des conditions climatiques analogues, les résultats architectoniques formels se sont trouvés profondément différenciés, en fonction des cultures particulières du temps et du lieu. »

 

STRUCTURE TERRITORIALE ET IMPLANTATION URBANISTIQUE

Structure et position de l’implantation

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Alessandra Scarano, Identité et différences dans l’architecture de la Méditerranée, Gangemi Editore 2006
  Schéma : Position de l’agglomération urbaine par rapport au vent dans les zones désertiques
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« [...] La configuration des schémas d’implantation traditionnels se développe sur la base de structures géométriques qui génèrent le fait que le « dedans » du bâtiment isolé se reflète dans l’organisation de l’ensemble aggloméré, puis irradie alentours, à travers les marques de la mobilité et de l’agriculture [...]. Cette possibilité de lecture du système à plusieurs niveaux d’échelle des implantations traditionnelles, fait apparaître une complexité interne de type « naturel » qui contribue à développer chez l’usager une sensation d’empathie et d’identification. Ce caractère naturel de l’implantation, qui fait qu’on arrive presque à percevoir l’ensemble comme un organisme naturel, peut s’exprimer soit en termes de forme de la construction, par un traitement externe quelconque, soit par les conditions orographiques du site, car l’implantation s’adapte toujours aux dénivelés du terrain, dont elle suit et exalte les contours. » 

 

Orientation

Archétype de la cité médiévale italienne
Archétype de la cité médiévale italienne,
Ambrogio Lorenzetti

« Dans les cités médiévales européennes, on privilégie sans aucun doute l’exigence fonctionnelle de défense. [...]. Des données et des moyens techniques primitifs ou carrément inexistants ne permettent pas d’assurer des conditions adéquates de confort pendant la saison froide et pendant les fortes chaleurs. On construit les bâtiments en les adossant les uns aux autres, afin de réduire des murs par lesquels peuvent s’opérer des échanges thermiques, dans les deux sens. L’orientation des rues, dans des conditions environnementales particulières, tend, autant que possible, à éviter la pénétration du vent qui passe au-dessus du mur d’enceinte. »

 

« Dans les pays à climat très chaud et sec, et surtout dans ceux où soufflent les vents chauds et poussiéreux venus des zones désertiques voisines, la configuration de l’agglomération urbaine est conditionnée de façon déterminante par de tels facteurs climatiques. L’agglomération urbaine présente un caractère très compact, avec des bâtiments mis en contact les uns avec les autres, afin de n’exposer aux rayons que la surface la plus réduite, mais aussi pour obtenir des rues très ombragées. La direction, l’orientation des rues jouent un rôle important pour garantir un meilleur confort global de l’agglomération, [...] elles sont, par exemple, orientées de façon à capter les vents frais venus de la mer et à les diriger vers les bâtiments [...], lesquels, à leur tour, ont leurs ouvertures tournées en direction de ces mêmes vents. »

Extrait de :
Paolo Pastore, Intégration environnementale et durabilité des typologies de construction traditionnelle dans l’implantation rurale, Convention Internationale « Le système rural, un défi dans la prospective pour la protection, la durabilité et la gouvernance dans la transformation », Milan 13-14 octobre 2004

 

Un exemple de typologie de construction durable dans l’implantation rurale des Pouilles

Ensemble de construction complexe
Ensemble de construction complexe comprenant
des habitations, des étables, des granges…, réalisé
en agrégeant au fil du temps différentes unités
spatiales impliquant des solutions technologiques
variées : couverture conique (ou trullo, technique
caractéristique des Pouilles), voûtes en calotte,
à croisillons. Masseria Paparesta.

LE MASSERIE

L’organisation typologique des ensembles de constructions réparties sur le territoire des Pouilles, appelées Masserie (« les Fermes »), présente des articulations notablement différenciées en fonctions des situations orographiques, climatiques, productives, fonctionnels et en rapport avec la variabilité des situations socio-économiques développées dans les différentes périodes historiques. [...]

Au cours des siècles, une tradition diffuse de construction s’est affirmée. Elle est caractérisée par l’usage savant de matériaux de construction à faible coût, résistants et facilement accessibles sur place, mais surtout des matériaux dont l’utilisation ne retirait pas de ressources de production au territoire. Ainsi, on évite l’emploi de bois, puisque les forêts produisent les glands et les fruits nécessaires au cycle biologique des animaux, et donc à l’élevage. En revanche, on utilise la pierre improductive, présente en grandes quantités [...].

Ces opérations n’entraînent pas un fort impact environnemental : le territoire subit un cycle anthropique graduel et éco-compatible, en exploitant les ressources naturelles disponibles sur un mode rationnel. Les opérations de transformation déterminent de nouvelles situations toujours caractérisées par l’équilibre entre les différents écosystèmes, selon des processus qui ne produisent pas d’éléments de pollution ou de perturbation du système environnemental naturel.

Les divers impératifs techniques et fonctionnels (habitation, production, élevage, entreposage…) de l’implantation agricole ont déterminé, au cours du temps, des choix de constructions économiques et rationnelles, qualitativement aptes sur le plan structurel et fonctionnel, intégrées dans le milieu environnant, avec des résultats architectoniques souvent remarquables. [...] L’ensemble des différents impératifs ont conduit à utiliser au mieux les ressources de l’environnement pour atteindre le meilleur niveau possible de confort d’habitat et à définir les diverses adjonctions planimétriques. [...]

Masseria Quiraldi, puglla
Masseria Quiraldi, puglla

En fait, tous les types de constructions sont décomposables en un petit nombre d’unités technologiques, souvent de dimensions standard, qui présentent à chaque fois les caractéristiques d’être adossées entre elles, intégrées et superposées : des unités technologiques conçues en voûtes pour répondre à la nécessité de ménager d’amples espaces pour l’entreposage et la conservation, ou en ogives et pavillons pour l’usage d’habitation, à double pente pour le parcage et l’abri des animaux [...], des unités de constructions réalisées pour offrir des conditions optimales de fonctionnalité, de protection passive et de bonnes conditions d’habitabilité des espaces intérieurs. Mais surtout pour être utilisées et conservées dans le temps avec des opérations de manutention limitée et à faible coût.

   

ÉLÉMENTS DU BÂTIMENT - ARCHITECTURE PASSIVE

Le choix de la couverture en fonction du contrôle climatique

Trulli à Alberobello
Trulli à Alberobello
Voûte en berceau à Santorini
Voûte en berceau à Santorini

« La couverture en coupole pour les habitations, typique de beaucoup de pays méditerranéens et du Moyen-Orient, présente de nombreux avantages par rapport à la couverture plane. Dans de tels environnements, la couverture en coupole ou en voûte permet que l’air chaud, qui est moins dense, puisse monter et se stocker au-dessus du niveau où vivent les personnes. En outre, comme sa hauteur est généralement supérieure à celle des bâtiments adjacents, elle attrape mieux le vent frais de la nuit, ce qui contribue à dissiper l’énergie thermique accumulée à cause des radiations solaires diurnes. À cet égard, la voûte avec un trou à son sommet se révèle particulièrement efficace. Dans les pays orientaux, ce trou est habituellement couvert d’une calotte munie d’une ouverture sur tout son périmètre et tournée dans la direction du vent dominant. »

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Dôme Iranien avec capuchon

 

 

   

   

 

 

 

 

Extrait de :
Alessandra Scarano, Identità e differenze nell’archittettura del Mediterraneo, Gangemi Editore 2006 Invarianti, similitudini e differenze nelle architetture e negli insediamenti minori.

 

Les espaces semi-ouverts comme filtres entre l’intérieur et l’extérieur : l’architecture de l’ombre 

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La maison méditerranéenne tend à « couler » vers l’extérieur [...] à travers la création d’espaces filtres qui rendent floues les frontières entre l’intérieur privé et l’extérieur public. L’existence de ces lieux filtres met en évidence un caractère typiquement méditerranéen que nous pourrions définir comme « l’architecture de l’ombre ». Que le portique qui peut les matérialiser soit une véritable construction en pierre à arcatures, ou qu’il soit comme une structure en tonnelle [...], il assure une fonction climatique, en créant un authentique microclimat qui atténue la transition thermique entre l’air prévenant de l’extérieur et celui de l’intérieur. Il a aussi pour fonction de modérer le contraste brutal de lumière entre le dehors et le dedans.
Dans les organisations urbaines en alignement dense, la carence d’espace externe est souvent contrebalancée aussi par la réalisation de longs balcons forjetés sur la rue.

LE PATIO

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La forme généralement carrée est l’héritage clair de l’atrium romain. Cependant, c’est autour d’un espace ouvert que s’étaient déjà organisées les habitations mésopotamiennes, égyptiennes, phéniciennes et étrusques. Le patio illustre une fonction tant pratique que symbolique : il permet d’accomplir des activités de différent genre à découvert, sans être exposé au vent, à la poussière, au soleil [...] ; mais c’est aussi le lieu où le soleil et la terre se mêlent [...].

1_IMG_24.jpgDar-Uthman, plan et vue du patio central, Tunisie Vue aérienne du système de couverture en terrasse de Kairouan, Tunisie
Dar-Uthman, plan et vue du patio central,
Tunisie 

Dar-Uthman, plan et vue du patio central, Tunisie Vue aérienne du système de couverture en terrasse de Kairouan, Tunisie

 

L’effet positif, en termes de confort d’atmosphère, procuré par cette circulation d’air et le recours de l’ombre, peut encore être amélioré en installant au centre de l’espace un bassin d’eau, qui contribuera ensuite, grâce à l’évaporation, à rafraîchir l’air et à augmenter son taux d’humidité [...]. Par leur ombre, les plantes protègent les murs des pièces qui donnent sur la cour, de sorte que la quantité de radiations solaires incidentes s’en trouve réduite. Par ailleurs, elles élèvent aussi le degré d’humidité et l’évaporation qui se produit quand le vent souffle aide aussi à rafraîchir les espaces intérieurs.

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Vue aérienne du système de couverture
en terrasse de Kairouan, Tunisie

Il faut également faire mention des très hauts parapets qui, dans ces mêmes pays chauds, entourent les toits en terrasse des habitations. Ceux-ci, en somme, outre de garantir une certaine intimité et de projeter leur ombre sur toit, protègent des vents de poussière les personnes qui, les nuits d’été, ont coutume de dormir sur les terrasses des toits.

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Les tours à vent 

 

 Tissu résidentiel édifié à Hyederabad Sind, au Pakistan, avec les caractéristiques bouches de captation du vent. Tissu résidentiel édifié à Hyederabad Sind, au Pakistan, avec les caractéristiques bouches de captation du vent.
Tissu résidentiel édifié à
Hyederabad Sind, au Pakistan,
avec les caractéristiques
bouches de captation du vent.

« En Iran, les tours à vent sont très répandues dans la construction traditionnelle. Dans la plupart des cas, elles sont toujours bien conservées et en parfait état d’efficacité. Du point de vue de la fonction et de la construction, il s’agit globalement de hautes « écoutilles » en maçonnerie ; les ouvertures à leur sommet sont orientées en une seule direction (celle des vents frais, lorsqu’ils sont constants : ce sont des tours unilatérales) ou dans plusieurs directions, dans d’autres cas. L’air capté au sommet descend à l’intérieur de la tour jusqu’à la base, où sont installés des volets, dont l’ouverture permet la ventilation et le rafraîchissement de l’atmosphère.

Mais la tour ne fonctionne pas seulement comme un conduit pour le vent, il constitue aussi un véritable système passif pour modifier la température de l’air extérieur introduit dans les atmosphères intérieures, et aussi pour augmenter le taux d’humidité, étant donnée la sécheresse caractéristique du climat de ces régions.

Tour à vent dans la ville iranienne de Yazd
Tour à vent dans la ville iranienne
de Yazd

À la base de la tour sont installés, comme nous l’avons dit, des portes et des volets qui s’ouvrent dans les espaces principaux, au rez-de-chaussée et au sous-sol : l’air frais provenant de la tour circule dans les espaces et sort par les fenêtres et les portes. Si, la nuit, le vent ne souffle pas, la tour se comporte comme une cheminée. La chaleur emmagasinée dans les murs pendant le jour réchauffe l’air enfermé dans la tour. Comme l’air chaud est moins dense que le froid, il tend à s’échapper, créant ainsi un courant ascendant (phénomène de tirage) qui aspire l’air contenu dans les espaces de vie et permet l’appel de l’air frais de la nuit. »

Exemple de tour à vent trilatérale iranienne.

Exemple de tour à vent trilatérale iranienne

Schéma de fonctionnement diurne et nocturne de la tour à vent iranienne.

Schéma de fonctionnement diurne et
nocturne de la tour à vent iranienne


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Fenêtres et ouvertures

« Le rapport avec l’environnement naturel prend une connotation particulière quand la séparation naturelle entre extérieur et intérieur est brouillée par des éléments de passage fabriqués. Par exemple, si on édifie un mur extérieur ajouré, l’air du dehors entre librement dans les espaces à travers des interstices plus ou moins larges (et, de cette façon, il acquiert une plus grande vitesse et une meilleure force de pénétration), pour rafraîchir l’atmosphère et expulser l’air chaud de l’intérieur. Ou encore, l’ombre projetée de ces claires-voies, à éléments horizontaux ou verticaux, mobiles ou fixes, empêche l’incidence directe du soleil sur les surfaces vitrées. Et elle diminue donc la quantité de chaleur qui pénètre à l’intérieur. Il y a encore la possibilité de placer le mur de clôture en retrait par rapport à la façade du bâtiment. Ce mur, qui peut être de dimensions et de caractéristiques formelles variées, détermine donc un espace fonctionnel particulier, ombragé et très aéré, qui offre une protection thermique à la partie principale du bâtiment.

Fenêtre grillagée sur le mur d’un espace voûté, Iran...  
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Ca' d'oro à Venise

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

   

UTILISATION DES SOURCES D’ENERGIE RENOUVELABLE

Moulins à vent et à eau

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Moulin à vent
(de Bokler, Cologne, 1662).
 
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Moulin à vent en Hollande.

« Grâce aux Croisades, les moulins à vent se répandent rapidement en Occident, mais avec des formes et des caractéristiques différentes imposées par des conditions climatiques, orographiques et même sociales différentes. [...] Ainsi, tandis qu’en Orient le moulin à axe de rotation vertical était prédominant, l’Occident a dû opter pour l’axe de rotation horizontal, à cause d’un régime de vents plus inconstant et d’une moindre disponibilité d’espace. L’utilisation du vent sur une grande échelle influença l’usage et l’organisation du territoire, dans certaines situations géographiques particulières de l’Occident européen. [...] Le territoire hollandais devient ainsi une illustration de la présence des célèbres moulins à vent, qui constituent encore aujourd’hui le témoignage de ce rapport particulier entre l’homme et l’environnement, à travers lequel le paysage n’a pas seulement acquis un aspect physique et une organisation productive programmée, mais a été littéralement construit par ses habitants.

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